Un service, c’est un intermédiaire entre ses concepteur·rice·s et ses utilisateur·rice·s : des personnes qui ne se connaissent pas, ne se sont a priori jamais parlé et n’ont pas spécialement vocation à le faire.
Et pourtant, ces personnes communiquent : “Abonne-toi” (YouTube), “Poursuivre mon shopping” (n’importe quel site de e-commerce), “Champ obligatoire” (formulaires divers), “12 minutes de lecture” (au-dessus d’un article), la mention “J’aime” (réseaux sociaux) ou encore “Quoi de neuf ?” et “Commencer un post”.
La microcopie, c’est ça : des micro-indications semées au quatre coins des interfaces, des noms de boutons et de menus, des informations pour naviguer, connaître nos options, accéder aux étapes suivantes, ou bien encore revenir en arrière.
Que ce soit pour faire nos e-courses de Noël, effectuer un changement d’adresse sur le site de la Poste ou installer une application pour la salle de sport, ces micro-contenus sont omniprésents.
Ils sont soigneusement choisis par les fournisseurs de service conscients de trois enjeux majeurs de l’UX writing : garantir une expérience positive et engageante, améliorer l’utilisabilité en réduisant la friction et, du même coup, améliorer l’image de leurs marques.
L’UX writing, c’est tout neuf.
En 2009, Joshua Porter écrit un post de blog intitulé Writing Microcopy exposant l’idée que la manière la plus rapide d’améliorer une interface est d’améliorer son copywriting. Il introduit ainsi l’UX writing, ou la microcopie, comme une spécialisation du copywriting dédiée aux interfaces.
Depuis, si l’UX writing est encore peu connu, il est devenu un métier à part entière dans de très grosses entreprises, notamment chez Google. Dès 2015, la firme commence à recruter des UX writers qui produisent aussi bien des contenus éditoriaux que des interfaces (ergonomie des appellations et produits).
Quelle différence avec le copywriting ?
En se basant sur le guide de la microcopie écrit en janvier 2020 par Kinneret Yifrah, on peut résumer la microcopie comme l’ensemble des mots et des phrases d’une interface en lien direct avec les actions menées par les utilisateur·rice·s.
L’objectif de ces micro-contenus écrits est d’améliorer les conversions, la confiance, l’accessibilité, bref, l’expérience utilisateur.
Le copywriting intervient quant à lui sur la désirabilité d’un contenu, d’un service ou d’un produit.
Cependant, un travail rigoureux d’UX writing ne peut se passer du travail rigoureux sur le ton (le fameux tone of voice) que le copywriting défini pour la marque concernée. Le copywriting va contribuer à la définition de la personnalité de la marque et des grandes idées qu’elle souhaite véhiculer (vision, mission, valeurs, secteurs), et l’UX writing suivra ces directives de ton.
Pour résumer, l’UX writing, c’est une méthode pour concevoir des contenus écrits efficaces, c’est-à-dire performants dans leur fonction (typiquement : engendrer une action, un clic, un achat).
Ces contenus font sens pour leurs lecteur·rices pour plusieurs raisons :
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- ils mobilisent un langage qui leur est familier ;
- leurs contenus sont contextualisés ;
- les actions qu’ils sollicitent sont ancrées dans leurs habitudes d’utilisation, évoquent des usages routiniers ou font appel à des gestes auparavant assimilés.
C’est une manière de produire des contenus écrits (formulaire, menu déroulant d’une interface, paragraphe d’explication) en fonction d’une conception (normalement adossée à des recherches antérieures) de ce qui fait sens pour le lecteur ou la lectrice.
5 bonnes pratiques d’UX writing
1. Toujours parler à la voix active
“Notre équipe s’occupe de ce problème” vs. “Le problème a été pris en charge”.
La voix active permet de repérer les mots-clés, de comprendre plus rapidement le sens de la phrase et donne au lecteur ou à la lectrice un sentiment d’action.
2. Poser des questions
“Quel est votre statut ?” vs. “Votre statut est : réponse a, b, c.”
La question est à la base de la conversation entre les individus : pour que l’échange soit agréable, les humains se posent des questions, s’intéressent, écoutent les réponses. Utiliser des tournures interrogatives plutôt qu’une liste d’options donne un caractère plus spontané à l’interface.
3. Adopter une écriture conversationnelle spécifique à l’usage d’une interface
Pas vraiment oral, pas vraiment écrit : le langage des interfaces est spécifique car majoritairement écrit, mais mimant un·e interlocuteur·rice humain·e. Il doit évoquer le naturel d’une conversation tout en gardant son caractère fonctionnel et serviciel.
4. Être familier
L’originalité c’est bien. Mais l’expérience n’est jamais meilleure que quand l’utilisateur·rice peut s’emparer rapidement de la navigation et comprendre le service. Le vocabulaire et les tournures doivent être familières. Donc attention au jargon, surtout sur les sujets techniques !
5. Penser UI
L’ordre des étapes de navigation et l’enchaînement des interactions comptent : la microcopie doit être cohérente tout au long du service et anticiper les différents parcours de lecture possibles.
Exemples de tonalités
Les intentions de l’UX writing
L’UX writing a vocation à engendrer une (ré)action. Il s’est développé comme une spécialité pour cette raison.
Nous avons listé les types d’intention les plus courants de la microcopie lisible sur les interfaces les plus utilisées.
L’incitation
Les applications de défis physiques (perdre du poid, arrêter de fumer), sportifs ou autre (apprentissage d’une langue étrangère, tests psychotechniques ou culture générale) ont tendance à adopter une posture de coaching qui s’incarne par :
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- un ton très énergique,
- une ponctuation dynamique,
- un lexique de la performance et du challenge,
- une adresse directe, à l’impératif.
Une autre pratique très courante de l’incitation : la notation des applications. Celles-ci sont constamment en concurrence sur les stores et se basent notamment sur les retours des usagers pour être mieux classées.
Pour que les utilisateur·rice·s pressé·e·s prennent le temps de le faire, les applications se mettent carrément à leur place en adoptant des réponses à la première personne. Ainsi les réponses suggérées semblent couler de source, notamment la première, qui propose le ranking maximum. L’incitation est à l’origine de call-to-actions de toutes sortes.
L’injonction
Accords RGPD, cookies, champs obligatoires : parfois, en tant qu’utilisateur·rice, on n’a pas le choix. Pour un service, il peut être délicat d’imposer des actions sans engendrer de l’insatisfaction.
Pour contourner ce problème, plusieurs bonnes pratiques :
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- justement éviter l’injonction directe ;
- parler des effets positifs de cette contrainte (accès au service ou à une nouvelle option, par exemple) ;
- afficher clairement que l’utilisateur·rice n’a pas le choix, pour ne pas qu’il ou elle se perde dans le parcours : n’afficher qu’une seule action possible, un seul call-to-action, pour minimiser la durée du désagrément dû à la contrainte.
La réprimande
Maniée au second degré par certains acteurs comme Duolingo, cet aspect de l’interaction avec l’usager est particulièrement important pour les services publics (CAF, Pôle emploi, Services des Impôts) qui peuvent être en situation de lui faire remarquer un manquement de sa part (retards, documents manquants, etc.) dont les conséquences peuvent être sérieuses (comme une amende, une perte de droit, une suspension d’allocation).
Des services tels que Doctolib (qui doit gérer des oublis de rendez-vous) ou encore des banques, assurances et mutuelles y ont également recours.
Quelques conseils pour se sortir de cet exercice délicat :
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- employer la voix passive pour ne pas accentuer la responsabilité directe de l’utilisateur·rice (“le délai est expiré” plutôt que “vous êtes en retard”),
- un ton neutre et non-culpabilisant,
- des messages informatifs et pragmatiques, qui l’aident à régler le problème plutôt qu’ils ne le renvoient à son manquement.
La proximité
Tutoyer ? Vouvoyer ? Appeler par le prénom ? Adopter un langage familier ? Ou au contraire soutenu ? Comment savoir ?
Le degré de proximité et le tone of voice sont absolument cruciaux pour que l’expérience soit positive et engageante. Il s’agit avant tout d’une question de positionnement définie par un brandbook.
C’est aussi l’occasion de se démarquer sur un marché saturé.
Les éléments à déterminer :
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- Le niveau de langage et le degré de familiarité : choisir en fonction des profils des utilisateur·rice·s. Dans le doute ou en cas de trop grande diversité des usagers, botter en touche et préférer des tournures infinitives ou adaptées à l’ensemble des publics,
- Les émotions convoquées : une expérience positive n’est pas forcément conditionnelle à un enthousiasme extrême ou une complicité intense. Cela peut être un parti-pris qui fonctionne et différencie, mais également être perçu comme agaçant, intrusif, infantilisant ou ridicule. Il faut bien faire ses recherches en amont pour ne pas risquer le faux pas,
- L’imaginaire de la marque : comme un placement produit, la microcopie est l’occasion d’asseoir l’univers de la marque, son champ lexical, ses projections et ses analogies. C’est la réunion du copywriting et de l’UX writing en un même contenu.
Dans la mesure où l’UX writing définit une pratique spécialisée, elle coexiste avec d’autres pratiques, notamment l’UX design, l’UI design et le copywriting.
Il s’agit moins d’une innovation dans la boîte à outils de l’UX que d’un prolongement de l’approche UX dans le domaine de la production de contenus écrits.