Si l’UX vise à analyser l’ensemble des perceptions des usagers d’un produit ou d’un service et que l’UX Design a pour objectif de concevoir des expériences optimales, alors son accessibilité fait intrinsèquement partie de sa réussite.
La méthode ne change pas, seulement le périmètre d’empathie.
Que vous soyez une banque, un réseau social ou un acteur du e-commerce, l’accessibilité, c’est la prise en compte des contraintes et besoins des personnes en situation de handicap.
En design, ça se traduit par l’intégration systématique de ces contraintes dans le cadrage et les briefs, en tant que composante structurelle.
Que le produit ou le service concerné parle aux utilisateur·trice·s. Tou·te·s les utilisateur·trices.
Que ces personnes puissent y accéder, interagir avec, l’utiliser, en être satisfaites. Donc l’accessibilité, c’est juste de la bonne UX !
L’accessibilité, c’est juste de la bonne UX
Dans la loi française, le handicap est la limitation ou incapacité d’une personne à évoluer dans l’environnement social en raison de contraintes spécifiques.
Troubles cognitifs, problèmes de vue, douleurs articulaires et musculaires, essoufflement, anxiété, problèmes cardiaques, dépression, acouphènes, fatigue…
La pandémie a apporté une visibilité sur un certain nombre d’états invalidants qui ne sont pas tous reconnus à l’heure actuelle comme des handicaps, notamment selon les pays.
De plus, la distanciation forcée des confinements a mis en exergue l’enjeu spécifique de l’accessibilité numérique pour faire ses courses, garder le contact, bénéficier de ses soins, etc.
On identifie 4 grandes catégories de handicaps dans cet article, mais cette liste n’est pas exhaustive.
Notre parti-pris est de ne pas dissocier accessibilité physique et numérique pour garder une approche holistique du design accessible.
Les différentes formes de handicap
1. Handicaps liés à la vue
Il existe de nombreux types de déficiences visuelles : cécité, malvoyance, daltonisme… Leurs besoins peuvent être très variés selon les situations.
Par exemple, une personne aveugle de naissance et une personne devenue aveugle au cours de sa vie ne rencontrent pas toujours les mêmes difficultés.
Elles n’ont pas non plus les mêmes attentes en matière d’assistance (apprentissage du lecteur d’écran, attentes concernant le niveau de détails).
2. Handicaps liés à l’ouïe
Comme pour les malvoyants, il existe de nombreux types et de nombreuses intensités de surdité totale ou partielle.
Les personnes sourdes n’utilisent pas toujours la langue des signes française (LSF) alors que d’autres l’utilisent exclusivement.
Ainsi le français parlé et écrit peut être perçu comme une langue étrangère et sous-titrer des contenus n’est pas toujours suffisant pour être accessible.
3. Handicaps moteurs
Les handicaps moteurs peuvent empêcher ou limiter les déplacements.
C’est aussi un véritable enjeu d’accessibilité numérique car certaines personnes ne peuvent pas utiliser leurs mains ou sont dans l’incapacité de faire des mouvements assez précis pour utiliser une souris (paralysie, tremblements).
D’ailleurs, la prochaine version du référentiel WCAG (Web Content Accessibility Guidelines) inclura un critère sur les tailles de boutons et d’éléments graphiques.
Les utilisateur·rice·s concerné·e·s ont à leur disposition des alternatives pour naviguer, comme le clavier, la commande vocale et, plus rarement, la commande visuelle.
4. Handicaps mentaux et cognitifs (dont troubles de l’attention)
Le symbole international du handicap est une personne en fauteuil roulant : on associe (et réduit !) souvent le handicap à des difficultés physiques.
Les handicaps cognitifs et mentaux (autisme, troubles DYS) peuvent être moins visibles mais avoir un impact considérable sur l’expérience utilisateur.
Ainsi des enseignes comme Les magasins U ont fait le test d’un horaire consacré aux personnes autistes, avec moins de bruit et moins de lumière. Une loi visant à démocratiser ce principe a été votée cette année.
La SNCF propose également une option “police dyslexie” dans son panneau « accessibilité. »
Site de la SNCF
Tou·te·s concerné·e·s
Les maladies chroniques invalidantes et le vieillissement
Épilepsie, diabète, sclérose en plaques… De nombreuses maladies peuvent avoir des symptômes invalidants, partiels ou totaux, et variables.
De plus, le vieillissement des populations entraîne des handicaps liés à l’âge, et l’accessibilité devient un enjeu direct sur le quotidien d’un nombre grandissant de personnes.
Enfin, en recherche UX, la prise en compte de la diversité des personnes et de leurs besoins spécifiques mène à une expérience améliorée pour tou·te·s : Solve for one, extend to many.
D’ailleurs, le développement de nombreuses technologies d’assistance a mené à diverses inventions utilisées aujourd’hui par tou·te·s pour leur grande utilisabilité.
Qu’est-ce qu’une technologie d’assistance ?
Une technologie d’assistance est une aide technique qui permet d’accompagner une personne en situation de handicap afin de maintenir ou améliorer son autonomie.
Quelques exemples de technologies d’assistance utilisées par tou·te·s
Le clavier
Pierre François Victor Foucault mécanisera le décapoint manuel de son ami Louis Braille. Son invention, le raphigraphe, permettra d’imprimer en relief toutes les lettres, chiffres et ponctuations.
Le raphigraphe
Les caractères étaient ainsi lisibles à la fois de façon tactile et visuelle, devenant un canal de communication entre utilisateur·rice·s et non-utilisateur·rice·s du braille.
Le téléphone
Si la mère et la femme d’Alexander Graham Bell n’avaient pas été malentendantes, ce dernier n’aurait pas mené les recherches sur la fabrication d’appareils auditifs et vocaux. Des recherches qui le mèneront a déposé le premier brevet du téléphone en 1876.
Les SMS
Le Short Message Service, une fonctionnalité d’abord introduite par Nokia dans ses téléphones en 1994, était d’abord un moyen de rendre les téléphones portables accessibles aux personnes malentendantes.
Les livres audios
Depuis le Books for the Adult Blind Project de 1931, un programme de la bibliothèque du Congrès Américain pour rendre accessibles ses livres aux citoyens aveugles, les livres audios sont devenus des objets sonores écoutés par tou·te·s et partout, indépendamment de leurs facultés visuelles.
Les commandes vocales en général
VoiceOver, la première fonction d’aide vocale sur un smartphone, apparaissait seulement en 2009. Son objectif était de fournir aux aveugles et malvoyants une description vocale des informations affichées à l’écran.
Depuis, Siri et les autres assistants vocaux sont largement utilisés par commodité par des personnes qui ne sont pas en situation de handicap.
La recherche utilisateur vers davantage d’accessibilité donne donc lieu à des inventions qui bénéficient à tou·te·s.
Selon Whitney Quesenbery, co-autrice de A web for everyone, utilisabilité et accessibilité sont même indissociables: “Usability and accessibility are twins separated at birth.”
Le rôle essentiel du design accessible
La situation de handicap, d’un point de vue social, n’est pas liée au handicap lui-même, mais plutôt à un environnement qui en crée les conditions et limite les possibilités des personnes concernées.
Dans le cas des outils numériques, certain·e·s utilisateur·rice·s n’ont pas nécessairement besoin de technologies d’assistance mais ne peuvent pas utiliser les outils de navigation proposés. Par exemple, les utilisateur·rice·s qui ne peuvent pas utiliser de souris ou de trackpad doivent naviguer uniquement au clavier.
Le design, en modelant des environnements, des objets et des interfaces, peut créer, accentuer ou au contraire éviter une difficulté liée au handicap. En accessibilité numérique, on développe notamment des technologies d’assistance.
5 technologies d’assistance numérique actuelles
1. Les lecteurs d’écran
Comme leurs noms l’indiquent, ils lisent le contenu de l’écran. Ce sont des logiciels qui interprètent le contenu de l’interface et le convertissent vocalement. Ils fournissent généralement d’autres fonctions, comme des raccourcis clavier.
Les lecteurs d’écran étaient au début relativement mécaniques mais deviennent de plus en plus naturels à écouter. Ils restent cependant essentiellement développés en anglais.
Moins courants, car contrairement aux idées reçues, le braille n’est pas maîtrisé par tou·te·s les malvoyant·e·s.
Un terminal mécanique affiche une ligne de caractères braille (souvent 40 à 80) en élevant et en baissant dynamiquement des picots (des points).
2. Les afficheurs braille
Les assistants braille, qui ont la capacité de petits ordinateurs, sont équipés d’afficheurs braille. Ces terminaux peuvent être utilisés pour prendre des notes, faire des calculs, ou s’interfacer avec d’autres outils comme les kiosques publics d’information.
3. Les navigateurs vocaux
Similaires aux lecteurs d’écrans, ils n’interprètent que les contenus web. Les navigateurs vocaux sont généralement développés en tant qu’alternatives à des navigateurs web pour des téléphones mobiles, pas nécessairement pour des personnes en situation de handicap.
4. Les headstick
Créés pour les personnes qui ne peuvent pas utiliser leurs mains, les headsticks permettent de naviguer via des mouvements de la tête.
5. L’eye tracking
Lorsque les mouvements de tête sont impossibles, l’eye-tracking est utilisée comme une commande visuelle.
Le cadre réglementaire
En France, le Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité définit les critères d’accessibilité. Il s’agit d’une retranscription du référentiel international (WCAG – Web Content Accessibility Guidelines).
Ces deux référentiels se présentent sous la forme d’une méthode d’application et regroupent des critères selon 3 niveaux : A, AA (double A) et AAA (triple A). Les critères A et AA sont obligatoires.
Quelles cibles et quelles attentes ?
L’ Article 47 de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées déterminent les différents types d’organisations et d’entreprises concernées par les obligations liées à l’accessibilité.
1. Les personnes morales de droit public,
2. Les personnes de droit privé délégataire d’une mission de service public (gestion de l’eau, des transports…),
3. Les personnes morales de droit privé constituées spécifiquement pour satisfaire les besoins d’intérêt général autres que financier ou commercial (office de tourisme, culturel, social…),
4. Les entreprises dont le chiffre d’affaires excède un certain seuil (250 millions d’euros).
Il est désormais obligatoire pour ces entreprises et organisations d’afficher clairement leur niveau d’accessibilité, ainsi qu’un plan futur de développement autour de cette question.
Si, à l’heure actuelle, la réglementation prévoit uniquement de sanctionner le non-affichage du niveau d’accessibilité, on peut supposer (et espérer) que la non-couverture de l’ensemble des critères A et AA devienne sanctionnable dans un futur proche.