Research Ops : le cas Airbnb en 7 points
En janvier s’est tenu un événement réunissant 4 anciens responsables ResearchOps du géant de la location entre particuliers : Wyatt Hayman, Joey Encarnacion, Eva Frieden et Tim Toy.
Lors de cet événement, le quatuor à l’origine de la mise en place du ResearchOps (ou ReOps) chez Airbnb, a couvert différents sujets que nous vous résumons ici : des solutions apportées aux points de friction pour les UX researchers en passant par le scaling up de la recherche et son impact.
Retour sur le cas Airbnb, et on vous dit ce qu’on en pense en conclusion !
Once upon a time, in 2008
À ses débuts en 2008, Airbnb compte une équipe de 40 UX researchers, soutenue par une seule personne chargée des opérations de recherche. Un ratio de 1:40 qui a conduit à ce constat sans appel : il faut réorganiser la recherche en mettant en place une équipe dédiée à l’opérationnalisation des études, notamment pour faire face à la croissance rapide de l’entreprise et permettre de produire de la recherche de qualité dans de bonnes conditions.
Tim Toy – ex Research Operations Manager – évoque notamment la dispersion des responsabilités et le flou organisationnel que cela engendrait pour l’équipe d’UX researchers : “Nous voulions nous assurer que chaque personne soit facilement identifiable, par son rôle attribué et les responsabilités qui en découlent”. Ainsi est née la ReOps de la plateforme.
1. Par quoi commencer ? Les pain points !
La tâche peut sembler colossale, par quoi commencer ? Joey Encarnacion – ex Program Manager, Experience Research Operations – a choisi de débuter en s’intéressant aux tâches perçues comme étant les plus rébarbatives par les UX researchers, ces fameux pain points récurrents dans leur expérience collaborateur.
Il a identifié différents points, induits par un travail de recherche majoritairement effectué sur le terrain :
- partir à la découverte de nouveaux endroits ;
- transporter du matériel et des équipements lourds ;
- ne pas avoir ce matériel à disposition lorsque nécessaire, sans savoir à qui s’adresser pour y remédier ;
- passer beaucoup de temps à discuter avec des inconnus ;
- la pression d’avoir les images et supports nécessaires en fin d’atelier ;
- prendre des notes pour pouvoir ensuite les restituer aux parties prenantes.
Conclusion numéro 1 : alléger le poids de la logistique matérielle qui, bien qu’incontournable, peut s’avérer pesante et chronophage. Un gain de temps qui a permis aux UX researchers de se concentrer sur leur travail de recherche.
Eva Frieden – ex UX Research Operations – ajoute qu’une question guidait constamment sa démarche ReOps : « Si j’étais UX researcher, qu’est-ce que je préférerais ne pas faire ? ». Elle a ainsi déterminé les processus qui pouvaient être fluidifiés par le ReOps pour accompagner les chercheurs : apporter une aide pour la construction des plans de recherche, recruter les participants ou gérer le paiement des indemnités.
2. La nécessaire réorganisation des équipes
En un an, l’équipe a mis en place le projet en plusieurs étapes : recrutement d’UX researchers supplémentaires en cohérence avec la croissance de l’entreprise, attribution de rôles définis et gestion de panels à l’échelle internationale.
Des responsables de pôles ont été désignés pour encadrer et organiser les points stratégiques suivants dans toute les démarches de recherche :
- recrutement des participants ;
- gestion du matériel de recherche et mise en place de kits de terrain ;
- gestion de panels à l’échelle nationale (US) puis internationale ;
- production des études.
C’est ainsi qu’une équipe de 70 personnes a fait collectivement ses premiers pas dans la ResearchOps.
« Le ResearchOps oeuvre en coulisses et optimise ce que font les chercheurs pour les aider à gérer la masse de travail […]”. — Eva Frieden.
3. Créer une synergie
Pour accroître la transparence et la communication entre les équipes, une réunion hebdomadaire a été instaurée chaque lundi, afin d’amener les UX researchers des différents pôles à échanger de manière régulière.
La ReOps a ainsi permis de créer une synergie par des discussions communes et des réflexions collectives sur des sujets variés s’intéressant à la recherche. Une démarche qui a contribué à désiloter les différentes équipes de chercheurs, à effectuer un suivi régulier sur les sujets essentiels et à accompagner les équipes dans leurs échanges avec leurs parties prenantes.
4. Passer le cap de l’international
Si Airbnb promet à ses clients des expériences locales partout dans le monde, atteindre des participants internationaux pour ses études était difficile, notamment à cause de la barrière de la langue et des législations propres à chaque pays.
En 2015, Wyatt Hayman – ex responsable de programme dans l’équipe de recherche – a initié une itération à partir du panel américain, afin de créer le panel de la communauté internationale d’Airbnb et permettre des recherches qualitatives, multilingues et globales.
Il a mis en place un système de traduction qui permet aux chercheurs de poser des questions à des marchés qui étaient peu exploités et de pouvoir comprendre les retours. Airbnb pouvait ainsi proposer des expériences différenciantes à ses utilisateurs, tout en restant alignée avec les valeurs qui la portent : faire “Vivre une expérience locale” et créer une “Appartenance globale”, la fameuse communauté Airbnb.
5. Faire face au scaling-up
Croître de manière rapide et durable a impliqué d’augmenter le nombre de ReOps en proportion du nombre croissant de chercheurs. Tim Toy insiste sur ce point, définir ce que signifie la notion de scaling up pour l’entreprise est alors essentiel, s’agit-il de :
- plus de recherche ?
- une recherche réalisée dans des délais plus courts ?
- plus de participants impliqués dans différents pays ?
- augmenter le nombre de recruteurs ?
- construire un repository ?
La réponse dépend de la structure et des objectifs qu’elle aura défini en amont. C’est au responsable de l’équipe ReOps de veiller à ce que cela soit compris par tous.
6. La ReOps, une vraie valeur ajoutée sur le plan juridique
Au sein d’Airbnb, un petit groupe de chercheurs intéressés par les questions juridiques et les différentes réglementations internationales a été mis en place. Ce pôle du ReOps a pour objectif de répondre aux nombreuses évolutions réglementaires, comme le RGPD, qui peuvent s’avérer déroutantes pour les équipes et les UX researchers.
Il en a découlé la création d’une Compliance Alliance (charte de conformité adaptée aux différents marchés internationaux d’Airbnb). Cela permet de garantir une recherche éthique et conforme, ce qui est en général, un point d’inquiétude pour les chercheurs car il implique notamment le respect de l’anonymat des participants et de la confidentialité des données récoltées pendant la recherche. C’est une charge de travail importante, qui se trouve soulagée par cette initiative du ReOps, mais qui permet aussi d’éviter procès et amendes, en cas de non-respect de ces éléments essentiels.
Un bon point pour la ReOps, qui peut justifier de son impact positif sur les enjeux stratégiques de l’entreprise, au-delà de l’organisationnel et de la logistique.
7. De l’importance de monitorer et de communiquer
Obtenir les ressources et les effectifs nécessaires à une recherche de qualité, requiert de justifier ces demandes auprès des décideurs. Cela passe par des metrics et KPIs qui donnent de la visibilité sur l’impact de la recherche. C’est l’une des fonctions du ReOps.
Du côté d’Airbnb, un tableau de bord permettant d’évaluer et quantifier l’impact du ReOps dans le temps, a été mis en place :
- il comprend différents metrics : nombre d’études, de participants, de pays, par exemple ;
- cela permet d’avoir des leviers pour défendre la démarche ReOps auprès de l’exécutif ;
- avoir des KPIs concrets permet aussi d’échanger avec les UX researchers sur ce qui doit être amélioré et anticiper les actions à mener.
ll s’agit donc à la fois de promouvoir l’efficacité de la recherche, mais aussi de légitimer l’existence d’une ReOps au sein de la structure en apportant des preuves chiffrées. Initier une démarche ReOps, implique d’identifier les attentes et de définir les objectifs dès le début. Il peut alors être judicieux de mettre en place des ateliers, permettant à chacun de comprendre le rôle de la ReOps.
Pour vous familiariser avec la ResearchOps, découvrez la démarche et ses principes ici.
Pourquoi adopter la ReOps ?
Selon Tim Toy, Eva Frieden, Wyatt Hayman et Joey Encarnacion, aujourd’hui respectivement en charge de la ReOps chez Adobe, HelloFresh, Faire et Twitch, voici les principaux bénéfices de la ReOps :
- améliorer la rétention des UX researchers, favorisée par des processus fluides qui améliore leur expérience collaborateur ;
- soulager les chercheurs des tâches pesantes, c’est réduire leur stress et favoriser leur épanouissement ;
- améliorer, par extension la qualité de la recherche menée, en faisant de la “bonne” recherche ;
- éviter les poursuites en justice pour non-respect des législations, de la protection des données ou de la confidentialité, un point sensible pour tout UX researcher et sa structure.
Do you Ops ?
Si le bilan ReOps d’Airbnb semble largement positif, nous nous questionnons plus généralement sur la communication avec les autres départements de l’entreprise qui interviendraient hors du périmètre Ops : par exemple, est-ce que désiloter la recherche et ses équipes par de la ReOps a aussi facilité la communication avec les équipes du DesignOps ?
La mise en place d’une telle démarche semble assez tributaire de la maturité de la structure et des moyens qui y sont alloués. Le scaling up fulgurant d’Airbnb a certes accéléré la mise en place d’une ReOps, mais les entreprises sont-elles prêtes à adopter la démarche sans y être contraintes ?
Enfin, nous rejoignons Joey Encarnacion, sur ce point de vigilance : la ReOps doit veiller à ne pas véhiculer un discours prônant une “démocratisation” de la recherche. C’est-à-dire l’idée que la recherche, grâce à des processus fluidifiés, en deviendrait accessible à des non chercheurs, à savoir des non experts de la Recherche Utilisateur.