L’ignorance rationnelle, ou loi du moindre effort, est un concept développé par le politologue et économiste américain Anthony Downs dans son ouvrage An Economic Theory of Democracy publié en 1957. Il s’agit d’une forme de biais cognitif ayant un effet direct sur le comportement d’un individu ou d’un usager.
J’y vais ? J’y vais pas ?
Comment se traduit le mécanisme d’ignorance rationnelle au quotidien ?
Avant de prendre une décision, un usager réalise en permanence, parfois inconsciemment, une sorte de calcul rationnel pour mesurer la différence entre l’effort à fournir et la valeur du résultat obtenu par l’effort fourni. Lorsque l’effort à fournir devient trop important, l’usager va tout simplement abandonner.
Un usager cherche la plupart du temps à obtenir ce qu’il veut rapidement, ou du moins le plus vite possible, et peut donc être amené à agir de façon plus impulsive que rationnelle.
Prenons l’exemple d’un usage de plus en plus commun : celui de la trottinette. Un usager marche en ville et aperçoit une trottinette libre. Il lui reste environ 10 minutes de marche et il est pressé : prendre une trottinette lui ferait gagner du temps. Toutefois, il n’en a encore jamais utilisé : il va donc devoir créer un compte sur une application, renseigner ses données de paiement, etc. L’usager va très rapidement effectuer un calcul rationnel : s’il estime que le temps nécessaire à cette inscription ne vaut pas forcément la peine vis-à-vis du temps gagné avec sa trottinette, il y a de grandes chances qu’il décide de finir son trajet à pieds. Ainsi, du point de vue de la conception, il est essentiel que l’usager ait le sentiment que l’effort à fournir sera moindre. Cela peut notamment passer par une inscription simplifiée ou par une interface claire et un parcours guidé.
Quantifier le taux d’effort d’un usager : le Customer Effort Score
Certains indicateurs permettent de mesurer cet effort à fournir : c’est le cas du Customer Effort Score. Apparu pour la première fois en 2010 dans la Harvard Business Review, cet outil vise à quantifier l’effort fourni par un client pour acheter un produit ou consommer un service.
Initialement, l’indice se mesure en demandant au client d’évaluer le niveau d’effort qu’il a dû fournir sur une échelle de 1 à 5, mais il continue d’évoluer : l’échelle peut être plus précise pour avoir une analyse plus fine. On demande donc au client d’évaluer si l’accès au produit ou service proposé par une entreprise ou une marque lui a demandé un niveau d’effort faible ou un niveau d’effort élevé.
La mesure du taux d’effort permet non seulement de prédire la fidélité des clients, mais appliquée à différents moments du parcours, elle permet aussi d’identifier quelles sont les étapes problématiques et potentiellement décourageantes pour l’utilisateur.
La conception de n’importe quel produit ou service doit donc prendre en compte cet aspect cognitif : il est nécessaire que l’usager n’ait pas l’impression que l’effort demandé soit supérieur à la valeur de ce qu’il cherche à obtenir. Ou mieux, qu’il ne le soit réellement pas.