From Eliza to ChatGPT : historique des chatbots

From Eliza to ChatGPT : historique des chatbots 2883 1533 Wedo studios


From Eliza to ChatGPT : historique des chatbots

Les humains rêvent depuis longtemps de créer une intelligence artificielle en mesure de converser aussi naturellement qu’un humain. Nombreux sont les films créés autour de ce fantasme qui n’en n’est plus vraiment un : J.A.R.V.I.S dans Iron Man (2008), Gerty dans Moon (2009),  le film Her (2013) dans lequel Joaquin Phoenix s’éprend d’une IA ou plus récemment Kimi, un  serveur à commande vocale (2022).

Fin 2022, la réalité semble dépasser la fiction. ChatGPT ça vous dit quelque chose ?

Depuis son lancement en novembre dernier, le modèle de langage ChatGPT-3, est sur toutes les lèvres. Usbek & Rica lui a demandé de faire des prédictions pour 2023, tandis que L’ADN nous met en garde et que le New York Times incite les écoles à travailler avec le logiciel plutôt qu’à le bannir.

Avant lui, il y avait Siri et bien avant ça, il y avait Eliza, mère de tous les chatbots. Petit voyage dans le temps pour passer en revue l’évolution des chatbots, accrochez-vous !

Qu’est-ce qu’un chatbot exactement ?

Un chatbot (ou agent conversationnel) est un logiciel qui s’appuie sur l’intelligence artificielle pour converser avec l’humain. À l’origine, les chatbots fonctionnent en s’appuyant sur une base de données de questions et de réponses qui sont déclenchées grâce à certains mots-clés énoncés par l’humain. 

Mais ils ont depuis bien évolué. Les plus récents et les plus innovants, sont dotés de systèmes d’analyse du langage naturel (ou NLG-Natural Language Processing) qui leur permettent de comprendre encore mieux le langage humain et surtout de pouvoir mieux l’imiter.

Les premiers chatbots

Dans les années 50, l’ingénieur britannique Alan Turing rédige l’article Computing Machinery and Intelligence (Informatique et Intelligence) dans lequel il introduit le test de Turing : un Imitation Game pour les intelligences artificielles.

1950’s : l’Imitation Game de l’IA

Initialement, le jeu d’imitation, également créé par Turing, comprenait trois participants : un homme, une femme et un·e interrogateur·rice, dont l’objectif était de les identifier (sachant que l’un des deux avait pour but de l’induire en erreur).

Ainsi, le test de Turing consiste à tenter de différencier un humain d’une IA (imitant un humain), dans le but d’évaluer son niveau d’intelligence. Selon la barre fixée par Turing, si plus de 30% des juges sont convaincus par le logiciel, alors le test est réussi.

En 2014, l’IA russe Eugene Goostman avait été  annoncée comme la première à passer avec succès le fameux test. Par la suite, de nombreux experts ont rejeté la nouvelle. Selon eux, le fait que Eugene simule un enfant de 13 ans aurait biaisé les résultats des juges (plus prompts à laisser passer certaines erreurs de langage).

eugene-goostman - chatbot

1960’s : Eliza

Créée dans les années 1960 par Joseph Weizenbaum, Eliza simulait un psychothérapeute rogérien (approche réflective de la thérapie).  Révolutionnaire pour l’époque, l’IA aurait réussi à berner de nombreuses personnes, persuadées qu’elles se confiaient à un être humain.

En réalité, et contrairement à ses homonymes plus récents, Eliza n’était pas dotée d’un système d’analyse du langage. Elle était simplement capable d’identifier des mots-clés et de les reformuler sous forme de questions. 

Selon Weizenbaum, Eliza ne connaissait absolument rien du monde et donc ses questions semblaient assez objectives pour donner l’illusion d’une séance de thérapie rogérienne.

Conversation avec Eliza - chatbot

Eliza ne connaît rien du monde. Ainsi, les questions liées au monde extérieur sont sans succès.

Conversation avec Eliza - chatbot

Avec des prompts plus “personnels”, la conversation devient un peu plus fluide.

1995 : A.L.I.C.E

Inventé en 1995 par Richard Wallace, A.L.I.C.E (Artificial Linguistic Computer Entity) ou ALICEbot est le premier chatbot doté d’un traitement de langage universel. ALICE s’appuie sur l’AIML (Artificial Intelligence Markup Language), un langage XML (Extensible Markup Language), également développé par Wallace.

L’AIML est aujourd’hui disponible en open source et est le langage le plus utilisé pour développer des chatbots. ALICE, de son côté, est devenu une référence des agents conversationnels. Elle a d’ailleurs inspiré le réalisateur Spike Jonze pour son film Her (2013), une histoire d’amour entre un homme et son agent conversationnel.

Conversation avec ALICE - chatbot

Contrairement à Eliza, ALICE est capable de répondre à des questions sur le monde et peut tenir une conversation plus poussée.

Si ALICE est déjà beaucoup plus évoluée que Eliza, elle est loin d’atteindre le niveau de certains  agents conversationnels actuels. 

Les chatbots des GAFAM et des autres

À partir des années 2010s, un mouvement de chatbots va émerger chez les géants de la Tech. Ils vont tous développer et commercialiser leur propre agent conversationnel, gardant sous silence les technologies utilisées.

Watson d’IBM 

Nous ne pouvons pas parler des chatbots modernes sans mentionner Watson, le supercomputer de IBM, introduit en 2010. Nommé en mémoire du fondateur, Thomas J. Watson, l’IA avait initialement été développée pour répondre aux questions du célèbre jeu américain Jeopardy! (quizz de culture générale). En 2011, Watson avait réussi à battre deux champions incontestés du jeu.

Après cette victoire, IBM avait annoncé que Watson révolutionnerait les domaines de la santé, de la finance ou encore du droit. Aujourd’hui, IBM commercialise Watson aux entreprises en tant que “portefeuille d’outils, d’applications et de solutions, conçu pour réduire les coûts et les frictions liés à l’adoption de l’IA tout en optimisant les résultats…

Siri d’Apple 

En 2011, Apple présente Siri, un assistant virtuel fonctionnant grâce à l’intelligence artificielle, disponible sur l’iPhone 4s. À l’époque, Siri comprenait déjà de nombreux prompts comme envoyer un message, connaître la météo ou encore régler une alarme. Il était aussi capable de tenir une conversation simple, même s’il fallait être assez précis dans le langage utilisé.

Chatbot Siri (2011)

Une des premières publicités pour Siri en 2011.

Alexa d’Amazon

En 2014, Amazon lance Echo, son enceinte connectée et équipée d’Alexa, une assistante virtuelle inspirée du système de conversation de Star Trek. À l’instar de Siri, Alexa est capable d’exécuter certaines tâches comme lire de la musique, faire une liste de course ou envoyer des messages. Grâce à Echo, elle peut également se connecter à des appareils domotiques et permettre à son utilisateur·rice de contrôler toute une maison avec sa voix.

L’entreprise américaine n’hésite pas à mettre en avant les avantages d’Alexa en termes d’accessibilité : en 2021 notamment, Amazon met en ligne son portail Accessibilité Alexa

En 2019, Amazon met en scène une femme aveugle dans une pub pour Alexa Echo.

Les autres géants de la Tech ne sont pas en reste : 

  • En 2012, Google lance Google Now qui deviendra Google Assistant en 2017 ;
  • En 2014, Microsoft lance Cortana, disponible sur tous les appareils équipés de Windows ;
  • En 2016, Facebook lance Messenger bot, un chatbot permettant aux entreprises notamment de répondre automatiquement à leurs client·e·s ;

En 2021, Google développe LaMDA (Language Model for Dialogue Applications), un projet d’IA dont le but est d’améliorer les échanges avec des chatbots. Début 2022, Blake Lemoine, un ingénieur Google travaillant sur LaMDA, enflamme la toile en affirmant que cette dernière est douée de conscience.

ChatGPT, le petit dernier

Qu’est-ce que ChatGPT ?

ChatGPT est un modèle de traitement de langage développé par OpenAI qui a été formé sur un grand corpus de textes, ce qui lui permet de comprendre et de générer un grand nombre de sujets différents. Il a été rendu public en 2020 et est devenu populaire en raison de sa capacité à générer du contenu de qualité similaire à celui produit par des êtres humains. Il est utilisé pour diverses applications, comme la génération de contenu pour les chatbots, les assistants virtuels, les systèmes de génération de résumés et de réponses automatiques. Il est considéré comme l’un des meilleurs modèles de traitement de langage disponibles actuellement.

cf. Ce dernier paragraphe a été généré par ChatGPT.

Pourquoi ChatGPT inquiète ?

5 jours seulement après le lancement de ChatGPT, le site d’OpenAI comptait déjà plus d’un million d’inscrit·e·s (permettant, au passage, à l’entreprise de récolter des données sur chaque utilisateur·rice).

Parce que le contenu proposé est très convaincant mais loin d’être exact, ChatGPT est présentée comme “une menteuse pathologique” par Claire Mathieu, directrice de recherche au CNRS et Jean-Gabriel Ganascia, professeur d’informatique à la Sorbonne. Dans une tribune parue au sein des Échos, les deux experts expliquent que “le problème fondamental [du logiciel] est celui du rapport à la vérité”. Ils prennent notamment l’exemple d’un élève ou d’un étudiant tricheur qui pourrait utiliser ChatGPT pour rédiger une dissertation.

Conversation avec ChatGPT - chatbot
Conversation avec ChatGPT - chatbot

Nous avons demandé à ChatGPT de nous définir l’UX design, puis de traduire sa définition en anglais.

Le logiciel présente quand même certaines limites. Il a notamment tendance à s’étaler sur un sujet si on ne lui demande pas spécifiquement de fournir une réponse courte. 

De plus, les réponses de ChatGPT s’appuient sur une base de données figée et non pas sur le web dynamique. Ainsi, à la question “Quand a eu lieu la cérémonie des Golden Globes 2023 ?” (cf. le 11 janvier dernier), ChatGPT répond “[…] Les Golden Globe Awards sont généralement organisés chaque année en janvier ou février, mais je ne peux pas vous donner la date précise de l’édition 2023, car je ne suis pas à jour.

Quel avenir pour les chatbots ?

Si vous avez suivi notre échange avec Maaike Coppens, experte en design conversationnel et conférencière, vous savez déjà que l’IA n’est pas encore prête de détrôner les experts humains de la discipline. Et ce, pour plusieurs raisons, mais nous en retiendrons principalement trois : 

Les agents conversationnels ne sont pas (encore) en mesure de prendre des décisions stratégiques, comme de déterminer le type de sujets particuliers qui intéressent l’utilisateur·rice, et la manière dont ce dernier aimerait qu’on lui en parle.

Deuxième point, pour l’heure, ces IA ne disposent pas d’une connaissance métier et secteurs suffisamment poussés d’un sujet pour en faire des experts auprès des organisations, et ce, bien qu’ils se débrouillent très bien sur les sujets généraux.

Enfin vous l’aurez compris, l’IA ne fait pas la différence en l’explicite et l’implicite, le réel et le non réel, d’où cette qualification peu flatteuse de “menteuse”. L’ouverture de ces outils au grand public va justement permettre de faire évoluer la recherche sur le sujet.

Ne vous privez donc pas, en connaissance de cause et avec un peu de recul, de tester ces outils !