De l’UX à l’EX, un engagement partagé au service de l’expérience collaborateur
La crise sanitaire a transformé le rapport au travail : plusieurs pays testent la semaine de 4 jours, le télétravail se normalise au profit de l’hybridation, tandis que la Gen Z refuse le 100% présentiel (36% des salariés) et que certaines entreprises adoptent les congés menstruels.
Face aux enjeux économiques et sociétaux actuels (Grande Démission, slow living…), les entreprises ont compris qu’il était primordial de mettre l’expérience collaborateur au cœur de leurs préoccupations. La démarche participe à la redéfinition de la valeur travail tout en permettant de préserver l’engagement en interne et de développer une marque employeur attractive.
Comme l’ensemble de la société, le monde du travail est en pleine mutation. Focus sur les reconfigurations de l’expérience collaborateur en 2022.
Qu’est-ce que l’expérience collaborateur ?
L’expérience collaborateur ou Employee experience (EX) est l’adaptation de l’UX (expérience utilisateur) au monde des RH. Autrement dit, ce sont les interactions et les expériences des salarié·e·s au sein de leur entreprise.
L’expérience collaborateur prend en compte tous les aspects du parcours des salarié·e·s : le recrutement, l’onboarding, la rémunération, les conditions de travail et même l’offboarding.
Nous pourrions dire que l’expérience collaborateur débute avant même le recrutement, auprès des futurs talents qui se renseignent sur l’entreprise. Les organisations l’ont bien compris, comme L’Oréal, dont la “carreers page” ne se contente pas de lister les offres de poste, mais communique également sur les valeurs portées par l’entreprise en interne (diversité, éthique, durabilité), dispense des conseils pour candidater, ou des témoignages de collaborateurs et de managers.
C’est tout l’enjeu de la marque employeur, qui “désigne l’ensemble des problématiques d’image de marque liées à la gestion des ressources humaines et au recrutement d’une entreprise.” Encore faut-il que les promesses présentées en vitrine se vérifient concrètement en entreprise. La phase d’intégration des nouveaux collaborateurs permet justement d’appréhender les pratiques de l’entreprise en matières d’expérience collaborateur.
Focus sur l’onboarding
- Ces dernières années, l’onboarding, soit la phase d’intégration des nouvelles recrues dans l’organisation, a pris une place de plus en plus importante dans l’expérience collaborateur. Tanya Bauer, chercheuse sur le sujet, définit l’onboarding comme le processus qui aide les nouvelles recrues à s’adapter à l’aspect social du poste et aux performances attendues, rapidement et en douceur. Elle théorise les 4 C nécessaires pour une intégration réussie : Conformité (les politiques de l’entreprise), Clarification (compréhension du métiers et attentes), Culture (les valeurs de l’entreprise) et Connexion (relations en interne, réseaux et outils d’information).
- Selon Workelo, 80% des nouvelles recrues prennent la décision de rester dans l’entreprise au cours des 6 premiers mois. L’enjeu de l’expérience collaborateur rejoint donc celui de la fidélisation et de l’engagement des employés sur le long terme.
- Si les grandes organisations (Google, L’Oréal, Orange, Linkedin, Apple, etc.) déploient des programmes dédiés à cet aspect de l’expérience collaborateur, 88% d’employés se disent insatisfaits de leur accueil. Et plus de la moitié des entreprises (58%) se contentent de diriger l’attention des nouveaux collaborateurs sur les tâches administratives ou l’intégration des processus.
- Le cas de Slack : la messagerie collaborative prisée des entreprises propose un guide en 6 étapes pour réussir cette phase d’intégration et complète les 4C de Tanya Bauer par la Confiance, nécessaire pour conforter la nouvelle recrue dans son choix, notamment en la récompensant à intervalles réguliers.
Les bénéfices d’un onboarding réussi selon Tanya Bauer.
L’onboarding réussi selon Slack.
Les enjeux de l’expérience collaborateur
“Si vous prenez soin de vos employés, ils prendront soin de votre entreprise.”
Richard Branson, fondateur de Virgin Group
En 2022, Beyoncé chante Don’t Break My Soul, morceau pop devenu malgré lui, l’hymne de la Grande Démission Outre Atlantique. Face aux phénomènes d’autonomisation et d’individualisation présents dans les sociétés contemporaines, les individus cherchent à s’affranchir des formes de hiérarchies verticales tout en privilégiant la recherche de sens et de valeurs dans leur activité professionnelle.
En plus de réduire le turn-over ou l’absentéisme, une bonne expérience collaborateur permet d’améliorer les performances des employé·e·s. Des collaborateur·rice·s moins stressé·e·s, plus motivé·e·s, qui se sentent écouté·e·s et valorisé·e·s fourniront un meilleur travail et par conséquent une meilleure expérience client.
L’expérience collaborateur s’envisage également au prisme du rôle du manager.
Il est celui qui accompagne les transformations au sein de l’entreprise. Le manager est à même de porter un regard d’observateur sur l’évolution des comportements des collaborateurs, et d’intégrer leurs demandes. Le manager contribue également à préserver un collectif qui a pu être malmené par les transformations récentes du travail.
Le design de l’expérience collaborateur
Selon une étude de l’Institute for Business Value de l’entreprise IBM sur le design d’expérience collaborateur, ce dernier s’articule autour de 3 axes : l’aspect social, l’environnement physique et l’activité professionnelle.
Ils se croisent et se superposent tout au long du parcours des collaborateur·rice·s. On peut alors dégager 6 piliers de l’expérience collaborateur :
1. La communauté :
Ce sont les relations et les interactions qui jalonnent l’expérience collaborateur. C’est le sentiment d’appartenance, qui est un facteur essentiel à l’épanouissement d’une personne, en particulier en entreprise.
Pour renforcer ce sentiment, les entreprises n’hésitent plus à faire appel à des Chief Happiness Officers (responsable en chef du bonheur), à organiser des team buildings réguliers ou encore à mettre en place des moments dédiés à la culture d’entreprise, à l’image du InDay chez LinkedIn.
2. L’espace de travail :
L’aménagement d’espaces de travail confortables et fonctionnels est primordial pour une bonne expérience collaborateur.
En 2022, l’espace de travail évolue et s’adapte aux nouvelles méthodes de travail (freelancing, consulting, télétravail…). Si l’open space reste l’aménagement le plus répandu ( 21% des salarié·e·s français·e·s travaillent en open-space), il n’est pas le plus populaire.
De nombreuses entreprises s’orientent de plus en plus vers le flex office : un bureau où les places ne sont pas attribuées et généralement organisé en combi-spaces, c’est-à-dire constitué de plusieurs types d’espaces de travail (open space, salles de réunion, coins salon, salles de repos, etc.).
L’avantage du flex office est qu’il permet aux collaborateur·rice·s d’évoluer en fonction de leurs besoins et aux entreprises de libérer de l’espace ou de réduire les coûts de location par exemple.
3. L’environnement :
Ce sont les facteurs d’ambiance comme la localisation, le bruit, la lumière, la température, etc.
Les nombreuses critiques que reçoivent souvent l’open space et le flex office sont essentiellement liées à ces facteurs. On parle souvent d’espaces trop bruyants, d’un manque d’intimité, de personnalisation et même d’hygiène.
De nombreuses entreprises choisissent alors de s’éloigner des centre-villes afin d’avoir des bureaux plus grands (car moins coûteux) et plus calmes. Et pour répondre aux inconvénients liés au transport, certaines mettent en place des systèmes de navettes.
À l’aune du télétravail, l’environnement de travail s’élargit au lieu de tracances (travail et vacances), au chez soi, ou à tout autre espace externe au site de l’entreprise. Cette transformation implique une organisation nouvelle pour le collaborateur et peut induire des effets indésirables, comme l’isolement réel ou ressenti ou la baisse du sentiment d’appartenance. L’équilibre présentiel-distanciel doit donc être trouvé pour construire un environnement de travail satisfaisant pour tous.
4. Les outils de travail :
La digitalisation du secteur professionnel ne date pas d’hier. Mais la pandémie et surtout la normalisation du télétravail ont poussé les entreprises à accélérer leur transformation numérique. Cela passe par les outils de mobilité (ordinateurs portables, tablettes, smartphones), mais aussi par les outils digitaux. Ainsi, 69% des salariés qui utilisaient des outils collaboratifs, les utilisent aujourd’hui davantage qu’avant la crise.
De la collaboration visuelle (Miro, Figma) à la gestion de projet (Asana, Trello, Monday) en passant par les suites collaboratives (Microsoft 365, Google) et les espaces de stockage en ligne (Dropbox, Drive), les outils de travail en ligne permettent la collaboration de tou·te·s les salarié·e·s qu’ils ou elles soient en présentiel ou à distance.
Et même plus ! Certaines entreprises développent leurs propres outils de collaboration comme Air France, Enedis ou encore Air Liquide afin qu’ils soient adaptés aux missions parfois spécifiques de leurs employé·e·s.
Prototype de l’application Ah’ Yes réalisé par Wedo : une application pour accompagner les techniciens Enedis sur le terrain.
5. Les plateformes sociales :
Tout comme l’organisation du travail, les plateformes de communication entre collaborateur·rice·s aussi évoluent.
Oubliez les mails traditionnels, aujourd’hui les collaborateur·rice·s communiquent par messageries instantanées (Teams, Slack) ou par visioconférence (Google Meet, Zoom, Whereby).
Mais cela comprend également les dispositifs et les moments mis en place pour permettre aux collaborateur·rice·s de transmettre et échanger des informations ou des des savoirs (réunions d’équipe, entretiens annuels, réunions informelles, etc.).
6. Les missions :
C’est l’aspect managérial de l’expérience collaborateur. Le ou la collaborateur·rice se sent-il ou elle écouté·e et valorisé·e ? Les tâches à réaliser sont-elles cohérentes avec ses aptitudes et ses compétences ? Les objectifs à atteindre sont-ils clairement énoncés ?
Autant de questions en lien avec l’engagement à long terme du collaborateur. Les managers dont le rôle est entre autres de recueillir la parole et les perceptions des collaborateurs, pourraient bien avoir besoin d’un accompagnement et de formations personnalisées pour accompagner au mieux les transformations des modes de travail.
Les collaborateur·rice·s ont également besoin de savoir qu’ils ou elles ont la possibilité d’évoluer dans l’entreprise, que ce soit hiérarchiquement, financièrement ou intellectuellement. Nous retrouvons à nouveau la question de la formation, qui produit de la valeur ajoutée pour l’entreprise tout en complétant les compétences du collaborateur. La mobilité interne est également un facteur de longévité du collaborateur au sein de son entreprise.
Ce qu’on retient
- L’expérience collaborateur devient de plus en plus liées aux enjeux de marque employeur, en phase avec les évolutions sociétales et l’individualisation de la société. Elle est un élément clé pour assurer le bien-être des salarié·e·s dans une entreprise. Elle nécessite intégration, écoute, empathie et adaptabilité.
- Une expérience collaborateur réussie peut s’appuyer de manière cohérente sur les valeurs portées par l’entreprise et ses engagements en interne.
- Le design de l’expérience collaborateur s’articule autour de 6 axes que sont la communauté, l’espace de travail, l’environnement, les outils de travail, les plateformes sociales et les missions.