Antisèche : tout pour réaliser
un bon entretien semi-directif
Qu’est-ce que l’entretien semi-directif ?
L’entretien semi-directif est une méthode de recherche utilisateur qui consiste à interroger des utilisateur·rice·s, usagers, client·e·s ou collaborateur·rice·s, afin de consolider des hypothèses terrain, d’approfondir la connaissance des besoins et de revenir sur la genèse de l’ensemble du parcours utilisateur.
Il est mené dans un environnement calme et maîtrisé, de manière souple et naturelle, en suivant une liste indicative de questions définies à l’avance sur un guide d’entretien.
En laissant la personne libre de s’exprimer et de développer ses propres arguments, l’entretien semi-directif permet de découvrir de manière approfondie tout ce qui pourrait influencer l’utilisateur·ice d’un produit ou d’un service.
Cette méthodologie s’utilise en complément de la recherche terrain. Chez Wedo studios, nous le considérons comme un élément incontournable de toute étude exploratoire.
Principaux bénéfices de l’entretien semi-directif
L’entretien semi-directif révèle les cadres de représentation et schémas de pensée profondément ancrés dans l’esprit des personnes interrogées. Il permet de hiérarchiser les besoins, de détecter les stratégies de contournement et de révéler les signaux faibles de l’expérience utilisateur.
Avant l’entretien
Rédiger le guide d’entretien
Le guide d’entretien est un document rédigé qui recense les grandes thématiques à aborder pendant l’entretien, des questions générales, des questions plus précises ainsi que des relances pour approfondir davantage si besoin. Ce document doit être soigneusement préparé.
Les relances
Les relances doivent se faire en fonction de ce que l’enquêté·e nous dit de son expérience : on peut demander des exemples, des explications, jouer le jeu de la naïveté, lui demander de reformuler.
Il ne faut pas hésiter à demander à l’enquêté·e de recontextualiser ses anecdotes en fonction des événements racontés pour toujours réinscrire le discours dans la chronologie.
L’importance des tournures
4 formulations à éviter
1. Les questions qui induisent la réponse : “Êtes-vous d’accord avec le fait que… ?” Ce type de question biaise la réponse de l’enquêté·e.
2. Les questions doubles : “Êtes-vous marié·e ? Avez-vous des enfants ?” Les questions doubles dispersent l’enquêté·e qui doit en prime faire un effort pour prendre en compte les deux questions. Il vaut mieux poser les questions l’une après l’autre, ou choisir une question ouverte plus générale (“Pouvez-vous indiquer votre situation familiale ?”).
3. Des questions par la négative : Ne pensez-vous pas que… ?
4. Des questions fermées (Pensez-vous que… ?)
4 bonnes pratiques
1. Privilégier le “comment” au “pourquoi” (qui implique une justification pour le·a participant·e) et les tournures telles que “En quoi”, “Pour quelles raisons”, etc.
2. Utiliser des questions générales comme : “Que vous évoque… ?”, “Qu’est-ce qui vous vient à l’esprit quand je vous parle de… ?”, “Comment vous y prenez-vous pour… ?”
3. Demander davantage de détails : “Auriez-vous un exemple ?”
4. Poser des questions sur les émotions de l’interviewé·e : “Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?”
La fluidité de la relance, dans la continuité de l’échange et du discours de l’interviewé·e, compte énormément dans le succès de l’exercice.
Se mettre en condition
Un entretien semi-directif est un exercice énergivore qui exige une grande concentration.
Pour être le plus assuré·e possible, il faut arriver bien préparé·e : avoir en tête le profil de l’enquêté·e et être dans une condition morale et physique qui permette la concentration.
Il faut démarrer d’emblée de façon professionnelle.
Il est aussi recommandé de regarder la personne dans les yeux dès le début pour instaurer une relation de confiance et lui montrer l’attention et le sérieux qui lui sont portés.
Ne pas oublier l’enregistrement
L’anticipation de la phase d’étude des témoignages recueillis nous permet non seulement de gagner du temps mais aussi d’être exhaustif·ve·s dans notre analyse. Les enregistrer est nécessaire pour mener une recherche rigoureuse et revenir sur les données.
Il faut donc s’assurer en amont :
- de prévoir un dispositif d’enregistrement fonctionnel.
- d’avoir l’accord de l’interviewé·e.
Pendant l’entretien
Constituer un binôme complémentaire
L’équipe de personnes qui interviewent doit être répartie en amont et composée :
- d’un·e modérateur·rice pour conduire l’entretien.
- d’un·e observateur·rice pour prendre des notes, pour enregistrer, être attentif à l’attitude non-verbale de l’interviewé·e.
Il est important de ne pas déséquilibrer l’échange en étant davantage (trois, quatre, voire plus) de personnes face au participant ou à la participante. En effet, un groupe plus large d’interlocuteur·rice·s pourrait lui donner l’impression intimidante d’être confronté·e à un jury.
Il est d’ailleurs préférable que l’observateur·rice qui prend des notes adopte une posture de retrait. Ainsi le modérateur ou la modératrice établit un contact privilégié avec l’interviewé·e.
Déroulé de l’introduction
Mettre en place une relation adéquate avec l’interviewé·e
L’attitude de la personne qui mène l’entretien doit mettre l’utilisateur·rice suffisamment à l’aise pour qu’il ou elle s’exprime avec aisance et franchise. Il est donc primordial d’adopter une attitude basée sur l’empathie et l’acceptation, ainsi que de se montrer peu directif.
Pour s’assurer un maximum de réponses franches et donc pertinentes pour la recherche, il ne faut pas hésiter à utiliser des formules telles que : “Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses” ou encore “Nous ne sommes pas les concepteurs de ce service/produit, n’hésitez pas à être critique.”
Il s’agit de se positionner entre proximité et distance, un degré délicat d’ouverture encourageante pour l’utilisateur·rice et de réserve professionnelle. Enfin, il est primordial de connaître ses biais cognitifs pour rester objectif·ve.
Se présenter
L’entretien semi-directif est une rencontre, il est donc essentiel de commencer par se présenter. Indiquer qui l’on est et sa fonction montre du respect envers l’interviewé·e et le ou la rassure.
Il ne faut pas oublier de parler de la structure à laquelle on appartient (agence, entreprise, institution), la structure pour laquelle on mène cette étude, et surtout décrire le projet en termes compréhensibles pour l’interlocuteur·rice.
Rappeler les règles
Les consignes permettent de cadrer la relation et le déroulement de l’entretien, ainsi que le rapport avec l’interviewé·e. Il faut donc informer l’interviewé·e de ses droits (anonymat, liberté de parole). Cela montre aussi que l’exercice est sérieux et encadré.
Pour cette partie, il est recommandé de rester formel·le et de dérouler le règlement de façon protocolaire.
Dérouler l’entretien
La trame du guide d’entretien n’a pas besoin d’être chronologiquement suivie. Il se peut que dans le fil de la discussion, l’enquêté·e passe d’un sujet à l’autre sans respecter l’ordre prévu. Il faut s’adapter et revenir sur les questions non posées plus tard. Le plus important est de le laisser discuter librement.
Il est par ailleurs conseillé d’alterner des phases de questions avec des phases de stimulation mémorielle : avec des photos ou vidéos du site susceptibles de faire réagir votre enquêté·e sur des éléments précis du terrain par exemple
Pendant l’entretien, il est utile de prendre des notes sous la forme de verbatims.
Gérer le silence
Un silence est dit “vide” lorsque l’interviewé·e a le sentiment qu’il/elle n’a plus rien à dire, et est dans l’attente que le modérateur intervienne. Il appartient donc à ce dernier de le/la relancer afin d’éviter qu’il/elle perde le fil de sa pensée.
Le silence “plein” est au contraire une pause de réflexion nécessaire à une réponse enrichie. Quand l’interlocuteur·rice se tait, son cerveau continue de penser à la question, parfois revient sur une question importante, un point oublié, une réponse difficile. Il ou elle compose sa réponse pour la livrer ensuite. La personne peut avoir envie d’approfondir des choses auxquelles on ne pensait pas.
Enfin, on parle du silence tendu, au cours duquel l’interviewé·e éprouve des difficultés à mettre en mots ce qu’il/elle ressent. Cela peut être empreint d’une inquiétude due à un souvenir douloureux, une pensée redoutée. Il appartient donc aux modérateur·rice·s de tendre une perche pour faciliter le processus de mise en mots.
Lorsque l’on mène un entretien, on doit être capable de distinguer ces trois types de silence afin d’y répondre au mieux.
Conclure en soignant la fin de l’entretien
Malgré la fatigue, il faut absolument rester sur un mode professionnel et empathique jusqu’au bout.
L’enquêté·e accorde son temps, parfois des confidences : il ne faut donc pas terminer de façon trop abrupte. Si l’interviewé·e va dans ce sens, il faut accepter (dans la limite du professionnalisme et des règles de confidentialité) les questions personnelles, les imprévus, ou encore un moment convivial.
On peut lui proposer de poser une question à son tour. Quand c’est possible, on peut détailler l’étude et son utilité.
Bien remercier l’enquêté·e est très important pour l’assurer de la qualité de son témoignage, en lui indiquant par exemple que ses réponses sont précieuses.