Concevoir des sites basse consommation

Concevoir des sites basse consommation

Concevoir des sites basse consommation 8000 3750 Wedo studios

L’empreinte environnementale du numérique

Pour communiquer, payer ses impôts ou ses factures d’électricité, contacter un service client, obtenir un pass sanitaire, faire des démarches administratives, du shopping, des recherches… Nous sommes connecté·e·s partout, en permanence. De plus, la numérisation de la plupart des services qui nous entourent rend l’utilisation du numérique indispensable. Se connecter à Internet est donc devenu un geste anodin, voire invisible lorsque nos téléphones le font à notre place.

L’intangibilité d’internet rend sa consommation difficile à estimer. Elle représente pourtant un poids important dans les émissions de gaz à effet de serre mondiales.

Comme le rappelle le site du Low Tech magazine, selon les dernières estimations, 10% de la consommation mondiale d’électricité est liée à Internet. Et la tendance n’est pas à la baisse. 

Cette énergie liée à la consommation d’internet, combinée à l’empreinte carbone liée à la fabrication des appareils numériques, font du numérique un secteur à l’impact environnemental très lourd.

Impacts environnementaux du numérique

Répartition de l’impact environnemental du numérique entre la fabrication et l’utilisation

Sensibiliser à l’impact d’une consommation invisible 

La pollution, ça peut sauter aux yeux. En revanche, lorsqu’on est confortablement installé·e au fond de son canapé, en train de scroller pour la énième fois de la journée sur Instagram ou d’importer une 3786ème photo sur son cloud, il est difficile de se rendre compte de cet impact, et plus encore de le quantifier. 

On perçoit tout de même que de plus en plus d’initiatives sont prises pour tenter de sensibiliser à cette consommation invisible :

  • Depuis le 1er janvier 2022, en France, les fournisseurs d’électricité ont pour obligation de faire apparaître la quantité de gaz à effet de serre rejeté par la consommation de données internet sur les factures d’électricité,
  • Des plugins, tels que Carbonalyser, convertissent la consommation internet en un équivalent tangible ,
  • Les expositions et évènements liés au mouvement low tech se multiplient, comme à la Villette.
Google Data Center

Data-center by Google : le cloud, un système physique qui n’a de vaporeux que le nom 

Analyse Carbonalyser

L’extension Carbonalyser mesure l’empreinte de la navigation internet, mais surtout, elle la convertit en une consommation plus tangible et connue de l’utilisateur : ici, les 7 minutes de navigation équivalent à la recharge de 15 smartphones ou au fait de parcourir 573 mètres en voiture.

3 exemples de sites low en énergie  

Un objet responsable et recylcé est-il nécessairement rugueux, inesthétique et de couleur fade ? Non, et bien c’est pareil pour les sites low-tech. Un site low en énergie ne sacrifiera pas forcément l’UX et l’UI design sur l’autel de l’écologie.

Les exemples qui suivent prouvent le contraire !

1. Sustainable webdesign : le premier de la classe 

Sustainable webdesign

Avec ses couleurs ultra vives et ses formes, le site Sustainable Web design prouve que basse consommation d’énergie n’est pas synonyme d’ennui visuel.

En plus d’être responsable de ce point de vue, le site propose un panneau de réglages d’accessibilité très complet, et permettant à l’utilisateur·rice d’adapter l’interface à ses préférences (taille de texte, contraste, mode couleur ou noir et blanc, dark mode ou non, affichage des formes ou affichage simple). Combo gagnant !

2. Low tech magazine : celui qui obéit à son cycle circadien
Low tech magazine

Le low tech magazine prend un parti très engagé avec son site fonctionnant uniquement à l’énergie solaire hors réseau, c’est-à-dire avec son propre stockage d’énergie.

Ainsi, durant les longues périodes nuageuses, le site peut être hors ligne (et donc inaccessible).

Avec ce parti pris, le site du Low Tech lab se présente comme un objet-manifeste, une interface qui, au-delà de son usage attendu, communique des valeurs, une vision du monde, un engagement fort

Un moyen visible et efficace de lier l’usage à la consommation d’énergie !

3. Thanks in advance : le champion de l’éco-UX
Thanks in advance

Thanks in advance propose, en une seule page, une expérience utilisateur réussie (notamment en utilisant la méthode du scrollytelling).

Dédié à la sensibilisation à la consommation d’énergie de nos boîtes mail, il propose une expérience simple, ultra graphique, interactive, et surtout… Basse consommation !

FAQ de l’éco-responsabilité numérique

Est-il bien utile de rendre des services et des interfaces responsables si les produits sont, eux, énergivores ?

Effectivement, la fabrication des appareils et leur consommation d’énergie compte pour beaucoup dans l’empreinte environnementale du numérique. On peut donc légitimement se questionner sur la marge de manœuvre des designers de services et d’interface dans la réduction de cette empreinte.

Cependant, en concevant des interfaces plus simples et moins énergivores :

    • On réduit la consommation liée à internet pendant l’usage.
    • On “épuise” moins les appareils et on augmente potentiellement leur durée de vie.

Ces aspects ne sont pas négligeables : les interfaces et la façon dont elles sont conçues ont vraiment leur rôle à jouer.

Comment se former ?

La majorité des designers et des développeurs ne sont pas formé·e·s à la conception d’interfaces basse consommation. Souvent, les formations en UI se concentrent sur d’autres problématiques et proposent, au mieux, une sensibilisation au sujet, sans donner de clés concrètes d’action.

Pourtant, des outils existent. On vous recommande notamment les deux guides suivants.

1. Pour accompagner le projet de A à Z : le guide GR 491, par l’Institut du Numérique Responsable 

Ce guide, dont une des sections est dédiée à l’UX/UI, se présente sous la forme de 64 critères, répartis en 10 grandes recommandations relevant du numérique responsable (éco-conception, inclusion, éthique). 

Pour chacune de ces recommandations, on retrouve des sous-recommandations, des conseils, des ressources projets, et des critères à respecter pour intégrer pour une gestion de projet responsable. 

2. Pour checker ses interfaces une fois un prototype terminé : le guide d’éco-conception numérique des Designers éthiques 

Une checklist claire, applicable, et actionnable rapidement : c’est ce que propose le guide d’éco-conception de services numériques des Designers éthiques. Il se découpe en 6 sections, elles-mêmes divisées en explications, conseils, et ressources pour aller plus loin sur chaque sujet. 

Le mieux, dans tout ça, c’est qu’en lisant ce guide particulièrement bien fait, on se rend rapidement compte qu’il est tout-à-fait possible de faire diminuer l’empreinte carbone d’une interface par des alternatives qui n’ont aucun impact sur l’expérience utilisateur (voire même qui l’améliorent).

🔎 Et les applications, dans tout ça ? 

Si la mesure de l’impact environnemental peut s’estimer relativement rapidement pour un site internet (avec des plugins tels que Carbonalyser ou Green IT Analysis), il est moins facile de faire de même pour les applications.

Il est en effet pour l’instant possible de passer par des solutions payantes ou encore d’effectuer un audit complet de l’application, mais les solutions d’auto-évaluation sont moins faciles d’accès pour les concepteur·rice·s. 

Pour les utilisateur·rice·s, certains opérateurs ont pris des initiatives afin de sensibiliser à la question (comme Orange, avec la fonctionnalité “Empreinte carbone” de son application, ou Bouygues Telecom avec l’application “Mon empreinte smartphone”. Des acteurs de l’économie sociale et solidaire et du secteur public s’emparent également du sujet, comme avec la très récente application fruggr

Un bon moyen pour sensibiliser les utilisateur·rice·s à l’impact de leur usage, même si l’important reste de commencer par une bonne conception !

L’éco-conception
Un état d’esprit tout autant qu’une méthode 

Si on a tendance, en tant que concepteur·rice·s, à chercher du contenu rapidement actionnable, il ne faut pas oublier que l’éco-conception relève autant d’un état d’esprit général que d’une méthode.

Cela s’applique pour les produits physiques comme pour les produits numériques : s’il est essentiel d’être capable de choisir un matériau éco-responsable pour un emballage, il est également essentiel d’avoir conscience que l’idéal est tout simplement de consommer moins d’emballages.

De la même façon, rien ne sert de s’appliquer à rendre les 15 pages d’un parcours ultra-légère, si en réalité, 5 pages bien faites auraient suffit.

Schéma poids pages d'un site

Ainsi, en parallèle de la maîtrise des différentes façons de diminuer l’impact d’une interface, il est essentiel de concevoir et d’évoluer dans un esprit global d’éco-conception.

    • Garder en tête l’unité fonctionnelle des services (la fonctionnalité essentielle recherchée par un utilisateur·rice) et bien faire la différence entre les fonctionnalités et services complémentaires qui vont améliorer l’expérience utilisateur, et ceux qui sont superflus.
    • Accompagner l’utilisateur·rice afin d’éviter qu’il erre sur une interface en proposant des parcours simples et clairs.
    • Intégrer le critère de l’éco-responsabilité dans toutes les étapes du projet, même avant la conception, lors des phases stratégiques.