Dans Snow Crash, le roman de science-fiction de Neal Stephenson, le metaverse (contraction des mots meta et universe), c’est l’univers virtuel où évoluent les avatars de la population réfugiée.
Dans ce monde post-apocalyptique, le metaverse est créé par un industriel fortuné, et constitue en fait un outil de contrôle des esprits et de manipulation de la population. Alors, quand Facebook est devenu Meta, forcément, ça a fait couler de l’encre… et beaucoup de memes.
Pourquoi cette décision de Facebook ? “Simple” rebranding ? Décision stratégique ?
On n’était pas trop sûrs de ce que ça signifiait, ni des implications de ce fameux Metaverse-du-monde-réel, alors on a cherché ce que ça impliquait en termes d’expérience du numérique.
Qu’est-ce que le(s) Metaverse(s) ?
Metaverse de Facebook vs. metaverses existants
Un metaverse est un univers virtuel sur Internet où les utilisateur·rice·s évoluent dans des mondes immersifs via des avatars.
Donc, un peu comme dans Snowcrash – la manipulation des esprits en moins.
L’idée derrière Meta serait de transvaser complètement ou partiellement le web d’aujourd’hui dans un monde virtuel afin de pouvoir l’expérimenter à travers un avatar.
Nous serions raccordés à ce metaverse via nos ordinateurs, tablettes et téléphones, mais aussi via des wearables (montres, lunettes) nous permettant de conserver, à chaque instant, un pied dans le virtuel.
D’ailleurs, dans l’univers du gaming, des plateformes similaires existent (Minecraft, World of Warcraft). Et certains sont déjà des metaverses (Second Life).
Ce ne sont pas seulement des jeux vidéos mais bien des plateformes où les utilisateurs peuvent se déplacer et interagir. Les joueur·euse·s ont accès à plusieurs univers, pour la plupart créés par d’autres utilisateurs.
Dans ces exemples, contrairement à l’univers virtuel imaginé par M. Zuckerberg -, on ne peut pas (encore) passer d’un metaverse à l’autre. Effectivement, pour le PDG de FB, le metaverse serait une plateforme hébergeant différentes entreprises, organisations et utilisateur·rice·s.
On pourrait, entre autres, s’y divertir (jeux, concerts), mais également y travailler, y suivre ses cours ou y faire ses achats. Tout ça à la fois, de préférence.
En fait, c’est l’Internet du futur.
Reconnaître un metaverse
5 caractéristiques essentielles d’un metaverse
1. Un metaverse est immersif. Les sens de l’utilisateur·rice sont complètement plongés dans l’expérience virtuelle, qu’elle soit visuelle, sonore ou – parfois – tactile. Casques, lunettes de réalité virtuelle et autres wearables en sont les interfaces de prédilection.
2. Un metaverse n’est pas limité au jeu. Même si certains jeux vidéo permettent des interactions entre les joueurs à travers des avatars, tout jeu vidéo n’est pas metaverse.
Les Sims ne sont donc pas (encore) un metaverse. Par contre, Second life y tend, par des initiatives comme son festival sur l’île virtuelle de la BBC.
En effet, dans un metaverse, on peut s’adonner à toute activité : jouer, se divertir, mais aussi travailler, s’instruire, consommer.
3. Un metaverse est doté de son propre système économique. On y achète, on y vend, on y loue, on y troque selon des règles et des devises établies.
4. Les liens et interactions entre les utilisateur·rice·s sont au cœur du metaverse. Les gens interagissent entre eux, discutent, échangent… c’est un véritable lieu de socialisation.
Dans cette optique, c’est un concurrent important à l’usage des réseaux sociaux ! Ce qui explique – évidemment – l’investissement de Facebook dans le développement d’un metaverse propriétaire, mais aussi d’autres acteurs comme Microsoft, qui travaille à Mesh, une extension virtuelle de Teams.
5. La navigation au sein d’un metaverse doit être parfaitement fluide. C’est pourquoi des initiatives comme Le Deuxième Monde de Canal +, qui proposait une expérience numérique ludique dans un Paris reconstitué en images de synthèse, n’ont pas abouti, faute de moyens techniques – technologie et bande passante insuffisantes, notamment.
Un metaverse devrait en effet être accessible sur n’importe quelle interface (téléphone, tablette, ordinateur, wearables), n’importe où, à n’importe quel moment. Et le nombre de ses utilisateur·rice·s ne connaît pas de limite.
Pas de metaverse sans utilisateur·rice·s
Enjeux UX du metaverse
- Accessibilité et inclusion : pour les personnes à mobilité réduite, souffrant de handicaps ou encore isolées de par leur condition sociale, leur identité ou leur position géographique, le metaverse nécessite de lourds investissements dans des wearables de plus en plus sophistiqués et personnalisés.
- Interopérabilité : le prochain niveau de l’identité numérique implique des passages sans friction d’une plateforme à l’autre, d’une interface à l’autre, d’un service à l’autre. En UI comme en UX, cela implique la perspective de passerelles invisibles, à la fois fluides et sécurisées.
- Design haptique : une approche 360° du design numérique, qui engage les champs visuel, sonore et tactile. C’est l’opportunité, pour les designers, de concevoir des espaces 3D qui ne sont pas soumis aux règles de la physique et d’adopter une approche toujours plus user-centric au sein de mondes entièrement peuplés d’utilisateur·rice·s qui participent pleinement à la co-construction de leurs expériences. En termes de design produit, le champ des possibles s’ouvre sur des wearables toujours plus légers, invisibles et sans friction.
- Hyper physicalité : prenant le contre-pied du tout virtuel et de la FOGO (Fear Of Going Out), et proposant une solution aux magasins qui n’ont jamais retrouvé leur fréquentation présentielle pré-pandémie ou au télétravail qui se systématise, l’hyper physicalité à construire promet un réenchantement de la présence partagée grâce à un soin particulier apporté aux espaces communs.
Enjeux du metaverse
Les questions à se poser sur le futur de Meta
Meta aspire à être un metaverse, et non plusieurs. On parle donc d’un monopole de (feu) Facebook sur différentes manières de vivre l’expérience du numérique.
Il s’agirait d’une plateforme centralisée d’absolument toutes les activités accessibles à partir d’Internet, qui accueillerait d’autres entreprises, comme un centre commercial abriterait différents commerces, ou une ville différents quartiers.
Le metaverse de Meta est aujourd’hui à l’état de projet. Donc, pour l’instant, on n’a pas beaucoup de réponses. Par contre, on a plein de questions.
Voici notre liste (non exhaustive) des enjeux à surveiller de près :
1. Gouvernance : quelles lois dans le metaverse ? Qui commande ? Qui suggère ? Qui a accès ? Les problématiques politiques et fiscales font déjà rage entre des gouvernements internationaux qui peinent à contenir le pouvoir croissant des GAFAMs.
2. Ecologie : à l’heure où la pollution des serveurs, mails et vidéos streaming est déjà phénoménale, quelle sera l’empreinte carbone d’une expérience illimitée d’(inter)actions numériques ?
3. Identité numérique : si tout, jusqu’à notre vie professionnelle, se joue dans le metaverse, quel impact sur nos vies privées, sur nos données personnelles et leurs commercialisations ? Qu’en est-il des usurpations d’identité et du cyberbullying anonyme ?
4. Commerce : publicités, cryptocurrency et nouvelles monnaies. De nouvelles places de marché s’ouvrent. Reste à voir si elles se calqueront sur des modèles économiques existants ou si elles expérimentent de nouvelles manières de créer de la valeur.
5. Développement psychosocial : grandir en jouant dans le metaverse, quel impact sur les enfants ? Sur le temps long, impossible de connaître les implications du “metaverse” sur la santé ou la sociabilité. Pas plus que la version metaverse du site de rencontre ou encore de l’expression du deuil.
Alors, que veut Facebook ?
Meta vs. Facebook : une différence de degré, pas de nature
En fait, ce que le fondateur de Facebook a annoncé, c’est une version encore plus étoffée de Facebook, qui dépasse le réseau social et l’entertainment, et gagne tous les aspects de la vie, y compris professionnels.
“I don’t think that this is primarily about being engaged with the internet more. I think it’s about being engaged more naturally.”
Mark Zuckerberg
L’expérience utilisateur se fait plus globale, plus fluide. Et plus invasive. Les débats, eux, restent les mêmes : comment et par qui sera gouverné ce nouveau monde ? Nous fera-t-il perdre le sens des réalités ? Nous fera-t-il partager encore plus de données personnelles ? Nécessitera-t-il encore plus d’énergie ?
Mark Zuckerberg assure que le metaverse signifie aussi la création de nouvelles opportunités : une expérience augmentée de télétravail qui permet à des employé·e·s, des créateur·rice·s, des artistes de vivre loin des centres urbains, ou encore une offre éducative rendue plus accessible. L’avenir nous dira si l’Anti-Metaverse finit par se rendre à ces arguments.